Expulsés du pays

« Quitter le territoire dans les 72 heures pour avoir brisé la loi », un tampon dans notre passeport en face du visa ouzbèque. Qu’avons nous fait ??? ou plutôt pas fait !!! L’agence de voyage qui nous a obtenu les visas ouzbèque et turkmène ne nous a pas indiqué qu’il fallait se faire enregistrer dans les 3 premiers jours auprès de l’Ovir et pour cela passer par un hôtel qui se charge des formalités. Dès l’entrée en Ouzbékistan, nous allons, à notre initiative quand même au bureau Ovir de Kokan pour demander notre enregistrement. 1 heure de discussion, ils ne veulent pas nous enregistrer, disent que cela n’est plus la peine depuis la nouvelle loi... je leur demande de me l’écrire puisque ce n’est plus la peine, ils disent qu’il n’y a pas de problème... A Tashkent, la capitale, nous redemandons au guichet de 2 grands hôtels, divers appels téléphoniques et on nous redit que cela n’est pas la peine. A Samarcande comme nous restons plus de 3 jours nous allons stationner devant un B&B et demandons l’enregistrement Ovir, ce que le B&B effectue de suite pour nous. Nous quittons Samarcande pour Boukhara et décidons de dormir 40 km avant. Comme à l’accoutumée depuis bientôt 4 ans et 15 jours dans ce pays, nous nous arrêtons dans la campagne. Echanges sympathiques avec des jeunes étudiants et professeurs qui sont réquisitionnés 3 mois pour la récolte du coton. La nuit tombe. Toc toc, je sors, 3 policiers nous demandent nos papiers. Ils recopient les informations de nos passeports. Je récupère non sans mal nos précieux livrets et les redonne à Jacques resté dans Pgaz. Discussion, nous devons quitter ce champ « pour notre sécurité et aller à l’hôtel ». Nous refusons. Ils font plusieurs appels et me passent une personne qui parle français. Injonction de décamper, on va être en convoi jusqu’à Boukhara et on doit aller à l’hôtel sinon amende. Il fait nuit. On ne s’en sort pas. On se dit qu’on va aller sur le parking de l’hôtel où sont actuellement le couple d’allemands avec lesquels nous devons passer la frontière Turkmène fin octobre. Roulons dans le noir avec les flics aux fesses dans leur antique Lada. Le lendemain à 8 heure le flic est en faction sur le parking pour nous conduire à l’Ovir. Nous voici donc les 4 touristes à l’Ovir... et commence une rude expérience. Incompréhension de la situation, nous demandons un interprète. Une heure après arrivent 2 personnes : le gérant de l’hôtel où nous avons stationné, il parle anglais et une jeune femme guide parlant français. Nous réexpliquons les choses, demandons d’appeler leurs collègues de Kokan, de prendre en compte les reçus des parkings d’hôtels... aucune bonne volonté, juste la répetition « vous avez brisé la loi »... encore une heure de palabres et le policier nous dit qu’il faut aller au bureau des affaires administratives de Boukhara. Repartons tous en taxi. Dehors nous attend une personne en civil « vos passeports », je lui demande qui elle est. Il sort une carte de police, vite refourrée dans la poche. Nous voilà à 8 dans un petit bureau et cela va durer jusqu’à 15h30. Nous appelons l’agence de voyage qui nous dit qu’elle envoie le fax du texte de loi immédiatement. Bien sûr le policier ne trouve pas trace de ce fax. 4 heures de palabres. Rédaction d’un texte explicatif en français. Traduction en ouzbèque. A chaque étape nous pensons que le bon sens va revenir. Mais le piège se referme peu à peu avec un policier totalement obtu. Pas question d’appeler Kokan, ici on est à Boukhara, mais est ce une police nationale ? si on rédige une lettre nous voulons en avoir la copie, pas possible, alors nous ne rédigeons pas de lettre, nous finirons par obtenir la copie. Le ton monte. Nous exploserons successivement les uns les autres. Je prend une photo. Le policier furieux lève la main sur moi. Jacques bondit et l’attrape au collet, « don’t touch my wife ». Bagarre, d’autres policiers entrent et moi je fonce dans le tas en hurlant « laissez mon mari tranquille ». Le calme revient, le porc va s’épousseter le costume pendant une demi heure ! Il veut voir la photo, je sors l’appareil mais c’est celui de Jacques donc je lui montre le champ de coton de la veille. La photo est sur le mien dans la rubrique bloc note.
16.10.09
Le piège continue à se refermer. Où est le chef demande t-il ? on répond que nous sommes 4 sans chef. On demande à voir son chef, bien sûr il n’est pas disponible. Alors, puisque nous avons brisé la loi, nous devons payer une amende de 1100 euros par personne ou bien quitter le territoire dans les 72 heures. 1100 euros, on marche sur la tête !!! Sans doute pense t-il que nous n’avons pas de visa pour le Turkmenistan (le visa doit nous être remis à la frontière) et que nous allons ainsi être coincés.
Celui qui fait fonction d’interprète en anglais nous harangue plus qu’il ne nous soutient jusqu’au moment où Jacques s’est mis à la bagarre. Il a manifesté un peu plus de retenue après cela. La jeune femme parlant parfaitement le français est totalement atterrée par l’attitude de ses compatriotes. « Pas bon pour notre pays, après vous ne revenez plus, nous perdons notre image, ce qui se passe ici, nous le vivons tout le temps, nous ne pouvons pas faire la preuve des choses, nous sommes toujours suspects, nous devons rédiger des tas de lettres inutules,... »Dans cette spirale infernale, le contact avec cette jeune femme franche et simple m’a fait du bien. Il y avait au moins une personne sensée mais elle n’avait pas le poids. Il faut le vivre pour sentir le mépris d’un homme, policier de surcroît qui se fait contrer par une femme, touriste, devant ses collègues. Devant notre refus unanime de payer une quelconque amende, il dresse son procès verbal, nous en demandons une copie, palabres pour obtenir la moitié du formulaire. Négociations pour que les 72 heures ne commencent pas le jour même mais demain. Au final il sort son tampon infâmant et se délecte à l’humidifier avec son haleine avant de l’apposer dans nos passeports. Il est 15h30, pas de pause pipi, ni thé, que du caca depuis 8h ce matin. On descend rapido les marches et stupeur, le manager faisant office d’interprète nous retient... il nous transmet de la part du policier... une invitation à déjeuner !
Sommes épuisés, abasourdis, inquiets pour la sortie car il faut maintenant s’organiser avec un nouveau calendrier pour les visas Turkmène et Iraniens. Une seule envie fuir cet endroit sordide, sortir du pays retrouver nos esprits, notre sérénité.