Bélem-Manaus, 6 jours sur une barge

Tout au nord du Brésil, Manaus est difficilement accessible par la route. Nous cherchons une compagnie de transport qui nous accepte tous les deux avec Pgaz. Pas simple : ici on demande un prix exhorbitant, là on dit "pas les femmes", ailleurs on nous demande d'attendre que le chef sorte de sa réunion... finalement sur le trottoir à l'extérieur des locaux un certain Kleton nous donne un reçu pour la somme déposée entre ses mains et nous dit de revenir le vendredi suivant pour partir le 4 ou 5 juillet. Confiance, confiance... le vendredi suivant en fin d'après midi Alexandre, de l'hôtel Massilia qui nous a accompagné avec ténacité durant toute cette recherche, nous quitte sur le bord de l'immense parking du transporteur. Avons payé la seconde partie mais pas de billet, ni de titre de transport. Avons hâte d'embarquer ! Minuit, c'est enfin notre tour. 2 grandes barges de 48 véhicules sont déjà remplies de semi-remorques déposés à touche touche, arrimés au sol avec de grandes tiges en métal. Fascinant ce ballet incessant des quelques chauffeurs qui font le va et vient entre le parking et les barges pour aligner plus de 120 semi remorques. Serons dans la troisième barge, au milieu, le long de l'allée centrale (une largeur d'épaule). Chance, un peu d'espace vital car la place avant est libre. Au total ce seront 11 autres camionneurs que nous allons découvrir. Le convoi ne partira que vers 8 heures le 5 juillet. Bingo, que va t-il se passer durant ces 6 journées ? Les barges sont poussées par un puissant petit bateau, plein gaz à 5 noeuds sans arrêt jour et nuit. 4 pilotes se relaient, 2 hommes aux machines et une cuisinière. Coup de sifflet 3 fois par jour, la popotte est prête pour tout le monde ! Rituel immuable à la cantine : riz, spaghettis, poulet ou boeuf en sauce, salade de tomates, haricots rouges. Les plats sont disposés dans le même ordre. Chacun lave son assiette. Un repas par jour nous suffisait grandement et les camionneurs ne manquaient pas de nous inviter quand même. Douche super abondante à l'eau du fleuve ! Programme quotidien : observer ce qui se passe le long du fleuve, sieste dans nos hamacs accrochés à l'ombre des semi-remorques, lecture, discussions avec les camionneurs... à l'avant de la barge, un peu de place mais attention à ne pas tomber à l'eau, ni barrières ni gilets de sauvetage ! Les eaux sont hautes et on voit de grands espaces inondés. L'habitat est sur pilotis, la pirogue seul moyen de se déplacer. Des enfants viennent jouer dans les vagues du convoi, d'autres embarcations accostent sportivement pour vendre des bananes, du diésel, des fauteuils en bois... Peu à peu l'animation diminue, on s'enfonce dans l'Amazone profonde, de temps en temps un bout de village mais encore des cabanes le long du fleuve, du linge qui sèche, des casiers à poissons... fins d'après midi à scruter les couchers de soleils ou les apparitions de dauphins : des dauphins roses le 3ème jour ! Les relations se nouent avec Roni, Carlos et sa femme Maria Luiza qui vont remonter jusqu'à Boa Vista, Sevesno le sage, Jenny le fumeur ou les deux inséparables qui surveillent la météo pour bâcher ou débâcher à temps leurs cargaisons d'oignons et de melons. L'adorable Judy nous stupéfie par sa consommation d'alcool, chaque jour il sort de nouvelles bouteilles de rhum généreusement proposées à la ronde ! Le temps passe, Luiza sort les points noirs du visage de son mari et réciproquement ! Les jumelles circulent pour observer les oiseaux ou identifier un village. On se sent petit à petit faire partie d'un groupe curieux de mieux nous connaitre. On appréciera tout particulièrement cette solidarité lorsqu'il s'agira de quitter le port à Manaus : en effet, nous n'avons qu'un vague reçu et pour franchir les deux contrôles il faut montrer un peu de paperasse ! Pas pensé à cette étape ! Le grand Roni va nous faire ouvrir les portes : carrure d'armoire à glace et autorité du vieux routier au sens propre... en une demi heure nous quitterons le port alors qu'il va leur falloir la journée pour en faire de même avec leur cargaison... adieux du fond du coeur sur le parking et nous voilà dans cette mythique destination : Manaus.