04-François Giner, frère de peau des Aborigènes


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François Giner, Français de son état mais quasiment frère de peau de Gorges (Balang), Maggie, David Blanasi, le plus célèbre des joueurs de molo, Billy, Don, Philip et les autres membres de la communauté des Dalabons dont il parle la langue et a partagé, manifestement, bien plus que tout autre "Blanc" à leur contact. François est venu un peu par hasard en Terre d'Arnhem il y a 25 ans… il y resté d'une façon aussi originale qu'engagée. Après quelques années, la communauté Dalabon, et Georges (Balang) en particulier, lui ont témoigné une immense confiance en lui offrant la possibilité de faire venir des étrangers sur une zone délimitée de leur territoire, à Bodeidei vers Weemol. C'est ainsi qu'à partir de 1992, "le camp de Bodeidei" a accueilli chaque année des touristes motivés pour une rencontre avec les Aborigénes sur des bases résolument plus simples, directs et personnelles qu'un tour opérateur. Un livre de François Giner, En terre Aborigène : rencontre avec un monde ancien (1) et sa version anglaise Heart of Arnhem Land, a memoir, (2) permet de percevoir la richesse de cette aventure humaine exceptionnelle. Le Guide Lonely Planet n'en n'a jamais fait état, le parti pris était sans doute trop engagé ?
Comment avons nous rencontré François Giner ? Il y a un an, nous entrions en Australie avec trois livres : le guide Lonely Planet (évidement… il est né ici), Australie : histoire, société, culture de Maïa Ponsonnet avec Pierre Grundmann (3) et le livre de François Giner (1). Pourquoi ce livre ? Les Claventure, une famille française rencontrée à Ventiane, un an plus tôt, nous en avait parlé et nous avions envie de creuser un peu ce qui concernait les Aborigènes. Tous ces livres ont été trouvés à la Librairie Raconte moi la Terre à Lyon, voir adresse en post scriptum. Un si beau lieu d'évasion avec un accueil bien présent ! J'avais aussi en référence la lecture du livre collectif dirigé par Jean Claude Fritz, La nouvelle question indigène : peuples autochtones et ordre mondial (4). Cette lecture d'avant départ, en 2006, m'avait à plusieurs reprises durant le voyage apporté des repères sur des situations tellement complexes de relation à la terre en particulier concernant les Indiens Mapuche et les Indiens du Brésil entre autres. Ce livre donne des clés de lecture loin des raccourcis habituels sur la relation colonisateurs/colonisés. C'est un cadeau lorsque les Universitaires rendent accessible le fruit de tant d'années de recherches et d'expériences personnelles ! Merci !

Je mentionnais, il y a dix mois, dans le blog de Broome (Australie Ouest) que je souhaitais en apprendre plus sur les Aborigènes mais que je constatais que les contacts directs ne s'établissaient pas. J'avais alors décidé d'interroger les Australiens rencontrés, chaque fois que possible, pour savoir ce qu'ils connaissaient des Aborigènes… La cueillette fut décevante et donne le frisson : "je n'ai pas entendu parler des Aborigènes avant que j'aie 30 ans", "il n'y en avait pas chez nous", "oh, ces communautés d'alcooliques qui vivent sur les fonds publiques ?", etc. Une seule fois, à Mataranka, un couple de retraités, Al et Maggie, nous a exprimé "avoir honte de la situation des Aborigènes". Approchant de la Terre d'Arnhem, nous décidons d'aller au Camp de Bodeidei et prenons contact avec François. Surprise de taille : nous verrons François mais pas le Camp.
François vient de se faire éjecter du territoire de Bodeidei, il doit démonter le camp pour la fin du mois. L'an passé, comme d'accoutumée, avant le début de la saison humide, les projets d'accueil étaient acceptés et le calendrier établi d'un commun accord. Le second livre, publié en anglais (2) était sorti au mois de Mars 2011. En Juillet, Georges décédait. Elément libératoire pour déclencher des règlements de compte ? Le pilier du projet n'étant plus présent, les stratégies mercantiles se sont données à plein et le Council vient de lui signifier la fin du Camp. Vive déception de ne pas aller au Camp, vive émotion de rencontrer François de passage à Darwin, ce 8 juillet 2012. Le lendemain il s'envolait pour Dilli au Timor Leste répondre à une demande de conseil sur… l'implantation d'un "camp" du type de Bodeidei au Timor ! L'avenir de François ? Il va rebondir aux Philippines. A suivre !
Revenons aux Aborigènes, la cellule familiale n'est plus porteuse des valeurs, des pratiques et de la culture. Plus de transmission, plus de respect des Anciens, l'argent facile, la manipulation acceptée, recherchée… Le système juridique donnant le statut d'Australien aux populations des Territoires du Nord les condamnent, de fait, à l'inactivité et permet "d'acheter" des voix dans les structures dites de "décision". La dernière vague de jeunes qui étaient partis en initiation dans le bush en 2008 et 2009 pratiquent, certes encore les danses rituelles mais succombent à l'alcool dans les rues de Darwin. Terrible destinée.
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(1) François GINER, En terre aborigène, rencontre avec un monde ancien. Editions Albin Michel, Collection Lattitudes, 2007.
(2) François GINER, Heart of Arnhem, A memoir. Edition anglaise publiée par Longueville Medias. 2011.
(3) Maïa Ponsonnet avec Pierre Grundman, Australie, histoire, société, culture. Editions La Découverte 2008, Les guides de l'état du monde.
(4) Jean Claude FRITZ et autres auteurs (sous la direction de JC Fritz) La nouvelle question indigène : peuples autochtones et ordre mondial. Editions L'Harmattan 2006.
PS - La librairie Raconte moi la Terre est située 13 rue du Plat à Lyon, entre la place Bellecour et la Saône.
PS - Le CREDESPO (Centre de recherches et d'études en droit et sciences politiques) à Dijon produit de nombreuses recherches sur des thématiques nationales et internationales, éclairage utile à certains sujets complexes. La liste des ouvrages publiés est impressionnante.
Allez, on succombe à une petite photo de famille, merci François de cette belle rencontre et bon vent !
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